faire écran


Sur un grand rouleau de papier, faire des dessins les uns après les autres comme des vues successives sur un négatif photographique.
Comme un pied de nez du très classique dessin au raz de marée numérique contemporain, n’utiliser que 3 crayons correspondant aux « couleurs primaires » à la base des écrans : le rouge, le vert et le bleu, RVB.


faire écran

Il y a pour commencer une photographie argentique dont la matérialité du négatif devient une chose rare et tangible depuis l’ère numérique. Puis vient le souvenir de la pratique de la chambre noire, de la projection de l’agrandisseur sur un papier photosensible. De cette méthode, c’est la projection et le papier qui sont retenus. La chimie elle est ici remplacée par un travail de dessin à la main, comme la nécessité de se nourrir avec un aller-retour permanent entre l’ancestral et le contemporain.

Il y a par ailleurs la prise de conscience, comme un réveil tardif, que le mode de langage même qui restitue l’image aujourd’hui a été bouleversé par le digital. Les écrans, la captation numérique, les pixels, les codages des fichiers images, sont écrits en « RVB » : addition du rouge, du vert et du bleu pour composer l’image. Inversion du paradigme : alors qu’avant cette nouvelle ère on partait du blanc pour aller vers le noir en y ajoutant cyan, magenta, jaune et noir ; maintenant, à l’inverse, on part de l’écran noir pour créer la lumière par l’adjonction R, V et B.

« faire écran » est une recherche de conjonction de procédés de restitution d’images d’époques différentes. Avec un dessin au trait par hachures comme certaines gravures, procéder au « tirage à la main » d’une photo argentique noire et blanche en utilisant exclusivement des crayons rouge, vert et bleu. L’ensemble est réalisé sur un papier de fond photographique (rouleau utilisé dans les studios de prise de vue), suspendu et déroulé, comme une pellicule.

Initialement reproductible à l’infini, la photo par cet itinéraire donne naissance à une série d’images uniques, originales suspendues in situ au gré de l’espace où elles sont installées ; restituant ainsi une part de la fragilité propre à la fugacité des instants capturés.