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Les œuvres que je réalise sont les témoins d’une quête permanente vers une forme de « chose spirituelle », dans la mesure où je tente de donner forme à une idée aussi bien que de transformer le réel en une œuvre abstraite. Pour me mettre dans les pas des propos de Paul Klee, il me semble que l’art n’a pas à reproduire le visible mais à rendre visible.
Mon intention, qu’elle parte du réel ou qu’elle naisse de mon imagination, consiste à donner naissance à des œuvres sobres, utilisant différentes techniques telles que le dessin, la peinture, les outils numériques, les installations, … sans oublier la photographie qui joue un rôle particulier dans mon cheminement. Ces medias sont là comme des regards différents qui, posés sur un même objet, permettent d’en capter plusieurs points de vue.
Ainsi, comme un randonneur, je voyage léger avec en poche une sorte de couteau suisse qui me permet de faire face à mes interrogations. L’image, au sens de l’œuvre plastique, n’est pas un but en soi, mais un moyen, un prétexte parfois.
Un exemple emblématique de ma démarche est l’installation intitulée « équivalent », présentée à l’occasion de la COP21 dans l’église Saint-Merry à Paris : une représentation figurative symbolique du CO2, de « l’équivalent carbone » émis par un Français en une année.
Il s’agit là de donner à voir un concept.
De formation classique aux Beaux-Arts, à l’architecture et l’urbanisme, j’accorde une place centrale aux questions de la figuration, de la géométrie et de l’espace.
En parallèle de ma production personnelle je m’intéresse particulièrement à l’œuvre d’autres artistes, et initie ou participe au commissariat d’expositions.
François Kenesi
Promenade en Kenesi...
par Marie C. Bos Carvalho
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« Je tombe avec l’instant » François Kenesi
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Promenade en Kenesi…
Une impression de glissement des centres de gravité…
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Plonger… on t’a dit que tu es libre.
Elle dit : nous ne créons pas nus…
nous portons au moins quelques peaux du monde…
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la première…
notre histoire, avec certains de ses découpages à vif…
les résidus et les fièvres…
elle pose sa main sur le bord de ce tapis de gouttes d’eau figées
il dit : c’est juste un litre… ce litre là pour s’en souvenir…
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la seconde…
l’air autour de nous… en nous
inspirations… expirations… automatiques
face à elle les -èdres…
il dit : certains les voient aller vers le haut… d’autres descendre…
en elle
les polygones restent bien nettement immobiles…
incandescents sur ces paysages sans soupçons…
face à elle… elle imagine et y croit
un léger pas de côté… une autre réalité
où ils seraient là en observation
et nous… indiscrets spectateurs… amoureux ou pétrifiés…
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et parle moi de la peau d’après…
la vitesse variable de nos temps… qui lui font parfois dire :
souviens-toi de ce qui ne t’es jamais arrivé…
on entre profondément dans ces feuilles de papier
(choix d’un jour de grand vent… je m’adapte dit-il)
en creux… en relief les unes sur les autres simplement…
pas de trucs… rien que la construction des lumières mats sur son
inconscient…
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tu n’as pas bougé n’est-ce pas…
chaque vue sera le centre du monde… un rendez-vous intranquille…
le serpent à plumes porte en lui les deux versants de la vie…
l’île Bikini est la rencontre…
certains la reconnaissent…
elle pense… ce sera une persistance rétinienne…
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reste la peau de l’Histoire…
celle où nous sommes charriés par les débits imprévisibles…
arrimés… emportés…
ces jours-là nous serons immobilisés… privés de hasard…
il ouvre alors à l’angle d’une pièce
un temps entier d’horizons libres…
ciel… mer ciel… terre… sans limites…
une offrande de paradis…
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plus tard il fait le relais de ces petits mensonges du réel…
elle se tient devant les cadrans solaires en feuilles de lauriers…
elle compte les jours sur ces murs hachurés….
Il lui fait croire qu’elle était dans ces pièces d’ombre tournée vers la
lumière crue des fenêtres…
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plus tard…
assise…
son centre de gravité légèrement basculé
elle se dit…
que fracture-t-on dans les œuvres en les regardant de nos rives…
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rien…
juste l’instant… dit-il
tours, détours
par Virginie Huet
pour l’exposition collective « tours, détours » / galerie Amélie, Maison d’Art – Paris / novembre 2022
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La lumière du jour, la fumée d’une centrale nucléaire, le ciel à la fenêtre d’un train. Seules les apparitions fugitives retiennent l’attention de François Kenesi. Architecte urbaniste, il a gardé de ses premières amours un « goût immodéré » pour la géométrie, la mise en espace, l’esprit des lieux. Sensible aux « plans vides » de Yasujiro Ozu, comme aux « tirets longs » d’Emily Dickinson, il trouve les temps morts vivants, accordés à sa nature tranquille. « La surface m’intéresse relativement peu », déclare ce promeneur avançant à pas lents vers la « chose spirituelle » qu’il veut « rendre visible » : une tour de refroidissement en forme de diabolo, une île dessinant au creux de la Loire, entre Briare et Saint-Firmin, un bikini.
« L’exotisme est un ready made et peut se trouver là, sous mon nez », remarque-t-il à propos de ses motifs d’élection dont la présence répétée augmente la valeur. Ordinaires, ses paysages voisins gardent le silence et se passent de commentaires. Ainsi de cette chute de papier balayée par des rayons changeants, qui dégouline au sol comme un soleil couchant.
portrait en 5 questions
par Stéphanie Manzano pour La République du Centre – 2017
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Quel a été votre parcours ?
J’ai longtemps été un cancre rêveur qui dessinait au fond de la classe. Ensuite j’ai fait des études d’architecture, et d’urbanisme. J’ai exercé environ 10 ans, puis j’ai travaillé avec de gros groupes de communication où je recherchais les concepts des campagnes publicitaires. J’ai aussi aimé ce métier, mais j’ai détesté ce milieu. J’avais besoin de plus de sincérité, alors petit à petit, j’ai donné de plus en plus d’importance à mon travail artistique, jusqu’à m’y consacrer entièrement. En fait aujourd’hui, j’ai l’impression de faire ce que j’ai toujours voulu faire depuis l’enfance. Comme mon père était médecin et prof d’anatomie, le dessin était omniprésent dans son enseignement. Pour moi, dessiner a toujours été une chose normale. Ainsi, j’ai la chance d’avoir été élevé dans un monde sensible à l’art, mes parents m’ont emmené voir beaucoup de choses.
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L’art conceptuel, qu’est-ce que c’est ?
La célèbre citation de Léonard de Vinci dit : « La pittura è cosa mentale », la peinture est une chose de l’esprit. Je me sens bien avec cette vision des choses. Dans mon processus de création, la réflexion est centrale, c’est-à-dire que l’idée, le concept, est fondamental. Ce qui m’importe, c’est la réflexion autour de ce que je fais. Parce que pour moi, nous avons un besoin de nous épanouir, un besoin de nous élever, et l’art peut nous y aider. Mon premier matériau, c’est la gamberge. Mon travail est un itinéraire de réflexion en images qui tentent d’appréhender des problématiques. Chaque chose que je crée cherche à avoir un sens. Par exemple, dans ma réalisation « équivalent », je me suis demandé à quoi pouvait ressembler 1 kg de CO2 rejeté par une voiture, puis à partir de là j’ai décidé de représenter l’empreinte carbone de chacun d’entre nous. J’ai cherché à rendre visibles, concrètes, ces données très abstraites. L’art conceptuel va tenter d’apporter des éléments de réponse aux interrogations dont déborde notre monde. Cette forme d’art va par exemple aussi s’interroger sur ce qu’est l’art et quel est son rôle. Car l’esthétique, la joliesse ne suffit pas.
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Comment créez-vous ?
C’est un itinéraire au cours duquel les réalisations d’hier alimentent les projets de demain. Il y a une certaine forme d’insatisfaction positive qui me permet d’aller plus loin. Dans chaque réalisation, je vois aussi les défauts, ce qui pousse à continuer. Chaque œuvre est un jalon pour aller vers un autre, plus mûri, plus aiguisé. En physique, on dit que le « mouvement est une conséquence du déséquilibre », ce sont les imperfections qui me permettent d’avancer. Comme ce n’est pas une navigation calme, et que je ne pourrai pas atteindre mon cap en ligne droite, je tire des bords. L’ensemble de mon travail suit une direction, mais de façon polymorphe, parfois grave, parfois léger, parfois peint ou dessiné, parfois photographié, parfois en couleur, parfois noire. Et puis on retrouve cette histoire de concept, avec l’importance du fond par rapport à la forme. Même si je cherche un équilibre, parfois le fond devient prédominant. Je ne cherche jamais à faire joli.
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Pour vous, à quoi l’art est-il utile ?
L’art, c’est ce qui change ma vie. C’est ce qui peut m’élever, me faire grandir par rapport à ma condition d’homme. L’art est la seule chose qui repousse mes limites, mes frontières d’animal conscient. Donc pour moi, l’art n’est pas une option, ni un agrément, il devient mon paysage, mon territoire, mon pays, mon but. Il me rend encore plus vivant.
Marcel Duchamp nous a montré que l’art est partout à partir du moment où l’on fait évoluer notre regard. C’est cette quête qui me tire vers le haut. L’art transforme ma vie. Il y a des livres, des films, des peintures, des musiques qui ont transformé ma vie. Il est essentiel de se nourrir des découvertes, des différences, sans elles il n’y a pas d’oxygène, donc ça pourrit. Et surtout l’art se partage, c’est très important, on a toujours envie d’offrir et échanger ce qui nous transporte. J’espère que les gens qui voient mon travail emportent des souvenirs, des émotions avec eux. L’art, ce n’est pas fait pour rester dans une boîte, c’est fait pour être montré, pour nous élever au-dessus de notre condition humaine.
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Qui sont vos modèles ?
Mon premier modèle, je serais tenté de dire que c’est la nature. La regarder tout simplement, observer le monde végétal et le monde animal, m’enseigne énormément. Il y a aussi des personnalités et des œuvres qui m’accompagnent en permanence dans ma vie. Par exemple j’ai toute une collection des « Fleurs du mal » de Baudelaire en livre de poche, parce que j’oublie de l’emmener en voyage, alors comme il me manque, je le rachète. J’ai aussi une passion pour David Hockney, qui est actuellement exposé à Beaubourg, parce qu’il explore beaucoup de techniques et qu’il y a notamment de la gaîté, quels que soient ses thèmes. S’il ne faut en citer que quelques-uns, je parlerai aussi de deux artistes qui sont pour moi des « chercheurs » : Francis Picabia et Franz Kupka, ils sont allés dans plein de directions complémentaires, et je trouve leurs itinéraires magnifiques. J’ai aussi une grande admiration pour le parcours intellectuel de Pierre Teilhard de Chardin, un prêtre jésuite, scientifique, paléontologue et philosophe qui a su concilier des thèses a priori contraires. Enfin, il y a l’exceptionnelle Delphine Seyrig, mais elle n’est pas un modèle, c’est une icône…
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ailleurs
nombreuses œuvres présentées à la galerie Amélie Maison d’Art Paris / New-York
membre du réseau devenir.art
et sur instagram : @francoiskenesi